Projets

Maison de ville

Lyon / Rhône

Black Box.

La maison DI-VA, dont l‘appellation vient d’un jeu d’anagramme des noms des propriétaires, occupe une dent creuse, entre les immeubles du quartier très résidentiel de la Croix-Rousse, à Lyon.
Face à l’exiguïté de la parcelle et aux multiples vis-à-vis, les architectes ont adopté une stratégie de judoka. La maison s’adosse et se tourne, en évitant la confrontation frontale. Elle exploite les quelques failles du paysage qui libèrent de furtives perspectives, pour alimenter les vues et les ambiances de la maison. Entièrement préfabriquée, la maison a été construite en moins de huit jours, engendrant un bel effet de surprise, et du coup des réactions assez contrastées du voisinage au moment de son “apparition”. Malgré sa couleur noire et sa forme sans concession, elle n’affiche aucune agressivité. Elle s’inscrit au contraire en douceur dans le paysage de la rue, avec une présence paisible et une relative discrétion.

S’installer dans un interstice

La maison DI-VA est construite sur une parcelle rectangulaire de 200 M2, inoccupée et délaissée depuis des années. Elle s’implante à la limite de la ville du dix-neuvième, dense et unitaire, au Sud ; et des constructions plus récentes du plateau Croix-Roussien, vers le Nord, conçues hors gabarit et hors prospect, dans un esprit “moderne”. Sur toute sa longueur, la rue Henri Gorjus est constituée d’un échantillonnage varié, mais avec un point de rupture au niveau de la maison DI-VA.
Au Sud de la maison, les immeubles sont alignés et de facture traditionnelle. Au Nord, sur la parcelle mitoyenne, une résidence des années 70 est construite en retrait de la rue, au milieu de son parc arboré marquant le départ d’un urbanisme plus ouvert et moins structuré.
A l’échelle de la rue, et malgré sa petite taille, la maison DI-VA joue un rôle de médiateur entre deux époques et deux formes de la ville.
Au Sud elle s’adosse au pignon voisin, et achève ainsi la séquence classique, tandis qu’au Nord, elle propose une façade principale ouverte sur la perspective de la rue, entérinant la fin des immeubles d’alignement et des pignons aveugles. Cet effet de décalage est accentué par le traitement subtil du seuil d’entrée. Une épaisseur est créée entre le portail en acier prépatiné et l’entrée de la maison, séparant les domaines publics et privés, ménageant un vide sur le rez-de-chaussée capable de donner de l’élan à ce grand volume en porte à faux.

Etablir des rapports de politesse avec ses voisins

La maison présente un volume très simple, formé par quatre plateaux identiques de soixante mètres carrés. Une des faces est adossée au pignon voisin. Les trois autres sont libres.
La façade sur rue, à l’Est, considérée comme la plus litigieuse en terme de vis-à-vis, est pratiquement sans ouverture. Elle présente une figure silencieuse et abstraite. Seule une bande verticale vitrée sur toute sa hauteur et habillée d’une claustra bois, éclaire l’escalier et laisse deviner la vie intérieure sans trahir l’intimité des habitants. Des ouvertures horizontales, placées dans un bandeau en retrait, assurent discrètement l’éclairement naturel et la ventilation du rez-de-chaussée, sans être visibles de la rue.
La façade Nord est la plus exposée sur le plan urbain, puisque c’est cette vue que l’on perçoit lorsqu’on arpente la rue Henri Gorjus. Deux rangées de grandes baies verticales éclairent les pièces de vie communes. Elles procurent les vues les plus ouvertes, légèrement adoucies par la présence de grands cèdres de la résidence voisine.
La façade Ouest, invisible de la rue, est largement ouverte sur le jardin créé en fond de parcelle et fermé par un mur mitoyen de belle matière. Les chambres et les espaces intimes de la maison s’ouvrent sur ce paysage clos et sans vis-à-vis. Cette façade est le négatif de celle présentée sur rue. La totale transparence côté jardin fait écho à l‘opaque matière, côté rue.

Conception longue, construction rapide

Fidèles à leurs convictions en matière de préfabrication et de filière sèche, les architectes proposent une construction préfabriquée intégralement en bois. Outre ses avantages en terme d’éco-construction, le procédé assure un chantier rapide et bien adapté au contexte contraint et exigu de l’opération. Les panneaux en bois massifs contrecollés (plis croisés de bois massif) forment murs, planchers, et refends. Sur le plan constructif, ils s’apparentent aux parois de béton armé, utilisées dans la construction traditionnelle, mais dans ce cas, le montage est purement mécanique et “à sec”. Ils sont préfabriqués par l’industriel autrichien Binderholz et préparés en atelier, puis livrés et assemblés par l’entreprise Arbosphère, spécialisée dans ce procédé constructif. L’essence choisie est le sapin blanc, qui offre une matière claire et très homogène (veinages peu marqués et absence de nœuds). Les panneaux arrivent sous forme de macro-composants, dans l’ordre de montage, prêts à être assemblés. La conception est longue, la construction rapide. Cinq jours de montage seulement ont été nécessaires pour la structure de la maison.
Afin de satisfaire des performances maximales en terme d’économies d’énergie et de confort, le projet dispose d’une isolation des façades et de la toiture par l’extérieur, par panneaux de 160mm de fibre de bois. La vêture extérieure est en panneaux thermodurcissables de marque Trespa. Les menuiseries extérieures sont en mélèze et les sols en planchers de frêne. Tous les produits utilisés dans cette construction sont donc à base de bois massifs ou de produits dérivés.

Habiter

Le volume habitable est volontairement simple et compact. Les pièces à vivre sont disposées autour d’un noyau central qui concentre la distribution des réseaux et les locaux d’équipement (salles d’eau, cuisine, sanitaires). Elle est conçue pour accueillir un couple et trois enfants, mais peut s’adapter à l’évolution de la famille. Le rez-de-chaussée héberge le séjour-cuisine, pièce largement occupée en été et au printemps, s’ouvrant totalement sur sa terrasse-jardin.
Le premier étage accueille le séjour. Se succèdent ensuite l’étage des parents (avec chambre, bureau et salle de bain) puis celui des enfants (avec les trois chambres et la salle de bain). Une toiture solarium couvre l’ensemble.
Le cloisonnement des espaces par niveaux est compensé par la grande perméabilité de l’escalier à claire voie, avec sa structure en tiges filetées. Ses marches semblent flotter, sans entraver la continuité verticale entre les quatre plateaux, et la transparence horizontale entre la rue et le jardin. Au premier étage, l’insert de la cheminée, posé sans structure et sans habillage, prolonge cette transparence.
Le projet intègre des dispositifs bioclimatiques. La maison est équipée de châssis de ventilation naturelle, qui jouent avec la triple orientation du bâtiment. L’isolation renforcée et les protections solaires systématiques assurent le confort thermique, notamment en période estivale. Le chauffage est assuré par le sol, alimenté par une pompe à chaleur sur nappe, complété par la cheminée bois sous insert.

Peau noire, chair blanche

L’extérieur de la maison est noir, l’intérieur est blanc. Son corps est recouvert d’une peau lisse, tendue et sombre ; habité par une chair tendre, naturelle et claire. Cette formulation architecturale constitue une figure archétypale de la maison, protectrice dehors et bienveillante dedans.
L’écriture est systématique. Tous les intérieurs, plafonds et cloisons compris, sont traités en panneaux massifs en multiplis de sapin blanc. Aucun placage ni peinture ne vient perturber cette mise en œuvre. A l’extérieur, les panneaux bakélisés noirs enveloppent tout le volume, mais conservent leur statut d’habillage et de vêture légère, comme un manteau. Ce contraste, choisi dans les extrêmes, explique le procédé constructif : une structure intérieure, habillée et isolée par l’extérieur. Elle est le résultat d’une volonté scénographique, où cet effet de Ying et de Yang crée des tableaux très graphiques dans la mise en perspective des deux mondes. Àcertaines heures, au moment où la lumière du jour est plus faible, le noir du dehors vient doper et stimuler les lumières boisées émanant de l’intérieur. L’un éclaire l’autre, l’adoucit et le réchauffe. Une seule matière, utilisée en totalité et exclusivement, sans effet décoratif ou vocabulaire superflu, laisse la part belle à l’architecture.

Maison de ville dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon

Surface 220 m ²
Maître d’ouvrage Privé

Architectes et ingénieurs Tectoniques
Ingéniérie gros-oeuvre maçonnerie Alfred Carayol
Ingénierie charpente bois Arbosphère

Photographes : Georges Fessy et Agence Tectoniques

 

Principales entreprises 
Terrassement, Maçonnerie : Minssieux et fils / Charpente, Façades, Menuiseries extérieures, Etanchéïté : Arbosphère / Menuiserie intérieures : Sarl Menuiseries Ferlay / Serrurerie : Biométal Constructions / Electricité : Ets Michel / Plomberie, VMC, Production eau chaude : Plomberie de Rhône / Chauffage, Géothermie : France Géothermie / Carrelage : LGC / Jardin : Les jardins de Chloé.
Principaux produits et dispositifs
Panneaux structurels : bois sapin blanc BBS de chez Binderholz Gmbh / Isolant : Fibre de bois Pavatherm / Vêture de façade : Trespa Meteon / Etanchéïté : membrane EPDM Firestone / Menuiseries extérieures : Bildau / Terrasses bois : en planches de mélèze non traité.